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Lettre de Gérald Lambilliotte
« René, mon ami
Le printemps pointait à peine le bout de son nez que la maladie avait terminé sa sale besogne, tu nous quittais pour un long voyage dont on ne revient jamais.
Avec Marie-Josée, ta merveilleuse épouse, et une poignée d'amis fidèles, nous t'avons accompagné à ta dernière demeure dans un lieu prestigieux visité par le monde entier, le cimetière du Père Lachaise.
Tu est parti sur une superbe musique de Bill Evans, que tu aimais particulièrement, accompagnée de textes magnifiques lus par ton épouse et moi même. Cet espace temps était chargé d'émotions et de chagrin mais surtout d'espoir car tu n'est pas mort, ton œuvre immense à laquelle tu as consacré ta vie sera, j'en suis certain, reconnue par tous.
Première exposition de René Pradez dans le restaurant Le Big Boy de Camille Renault en 1966. De gauche à droite: Renald Chapuis, caméraman pour FR3 Paris - Ile-de-France, René Pradez, Gérald Lambilliote et Achille Peretti, Maire de Neuilly-sur-Seine
J’ai eu le privilège avec ma mère Léone de te connaître. Elle a eu immédiatement un coup de cœur pour toi, un artiste pas comme les autres. Elle s’est démenée pour te trouver au 51 rue Pasteur, chez un couple d’amis, les Bélier, un atelier à la dimension de tes œuvres. Tu venais souper à la maison, juste en face du restaurant de Camille Renault, à la bonne franquette, sans aucune prétention. Tu apportais ton steak ! Ma mère, une fée du fourneau, se chargeait du reste. Nous passions des soirées extraordinaires, nous refaisions le monde… Nous avions des passions communes : la peinture, la sculpture, la littérature, la musique… Sources inépuisables qui permettent de s’évader du quotidien, nous étions pauvres mais riches de l’intérieur ! Tu n’as jamais oublié Léone, ma mère une femme de caractère, d’une bonté extrême, de partage, ouverte sur le monde, sur les arts… Merci pour lui avoir été fidèle jusqu’au bout.
Passionné par les arts, grâce à ma mère, j’avais décelé en toi ton immense talent. J’ai partagé ma passion pour ton œuvre à un des plus grands mécènes de la peinture contemporaine, Camille Renault, ami de ma mère. Il a su tout de suite que tu étais un des plus grands peintres de notre temps. J’ai eu le privilège de faire tes premières expositions à Neuilly-sur-Seine, à Puteaux à la galerie de Camille ainsi que ta première télé.
En arrière plan sur la banquette, Léone Lambilliotte, l'Intervieweur, Reynald Chapuis, TV Paris Ile de France (FR3), Achille Peretti Député Maire de Neuilly-sur-Seine, en arrière plan Georges lambilliotte, Gérald lambilliotte, tout à droite Jean Godard Directeur du Journal Neuillly Indépendant.
Tu étais un être doté d’une intelligence rare, d’une immense culture, comédien, poète, écrivain... Tout ce que tu faisais tendait à la perfection. Tu m'as fait découvrir des poètes comme Ducasse, des écrivains maudits comme Céline, des peintres comme Villon… Que tu en sois remercié.
Ta mort a réveillé en moi ma conscience, ma mémoire, ainsi que des tranches de vie extraordinaires ! Je me souviens d'un projet fou le show poétique au Théâtre des Hauts de Seine dont tu as assuré la mise en scène ! Rimbaud, Baudelaire, Lautréamont, Prévert, tes propres poèmes flamboyants aussi puissants qu'une symphonie de Wagner lus par ton ami Abel Larose-Jores, directeur du théâtre Larose à Jouy-le-Potier, un comédien exceptionnel qui fête ses 90 ans cette année. ll se rappelle encore de ce moment inoubliable où nous avions eu un franc succès.
J’ai connu tes différentes époques, notamment celle des longs cous, des femmes enceintes, maternité réelle ou spirituelle, un des plus beaux témoignages de l’amour que tu portais «à la femme» et la série magnifique des portraits de Camille Renault... Je me souviens également avec émotion de tes esquisses de modèles nus, véritables chorégraphies de femmes en groupe ou seules toujours altières, sculpturales... Ton magistral autoportrait de Rembrandt que tu avais fait au musée de la Haye à main levée en moins de 45 minutes faisant dire au gardien : « Est-ce Rembrandt qui revient ? »
L’esprit rebelle, ne voulant pas tomber dans le piège marchand des galeriste et des critiques à la mode, tu n’es pas côté à la bourse des artistes peintres, mais quelle importance… Tu es à toi seul quelque chose d’autre…
Ensuite, tu as peint ton père foudroyé. Maîtrise, toujours la maîtrise ! Impossible défi : peindre l’âme. Tu étais un alchimiste des couleurs !
En 60 ans de vie difficile, tu as réussi l’impossible : à survivre de ton art dans des conditions extrêmes, un atelier brûlant l’été, glacial l’hiver, sans eau, sans chauffage, sans lumière... Tu peignais sur n’importe quel support car les toiles étaient trop chères...
Pour vivre tout simplement, tu as exercé comme professeur de dessin et de peinture durant de longues années à Puteaux.
Tu es associé à jamais à l’École de Puteaux. Tu as prolongé celui que tu admirais, Villon et d’autres contribuant, comme eux, à peindre l’Homme.
Tu es parti comme tu étais arrivé, dans l’anonymat. Aux yeux de ceux qui t’ont connu et apprécié, tu es une des plus grandes figures de la peinture contemporaine. Je ne souhaite qu’une chose en tant qu’ami et amateur d’art, que ton œuvre ne finisse pas dans un entrepôt mais fasse l’objet d’expositions aux quatre coins du monde. Que ton nom, René Pradez, rejoigne ceux des plus grands.
Adieu Ami, Merci, quelle joie d’avoir croisé ta route.»
Gérald Lambilliotte, compagnon de route de René Pradez
La Maison de Camille abrite l'Artothèque. À la manière d'une bibliothèque, vous avez la possibilité de louer des œuvres d'art originales. Le fonds de l'Artothèque est une réserve faite de créations putéoliennes et de productions contemporaines diverses et variés.
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